La Partie Scientifique

LES COULEURS SONT LA MUSIQUE DES YEUX ET SE COMBINENT COMME DES NOTES

                                                                                                          DELACROIX

La Méthode Talita Lins

Dès mes premières années d’apprentissage du piano, j’ai découvert que j’établissais une relation assez particulière entre les couleurs et les sons : j’associais spontanément des couleurs à des sons au moment où j’entendais une mélodie et cela se produisait instantanément dans mon cerveau. Cette association était accompagnée de dessins mélodiques de plusieurs tailles, en couleur, dans l’espace, comme si j’avais l’oreille colorée, de manière très mobile en accompagnement de la musique.

La synesthésie, c’est une condition spécifique dans laquelle la stimulation d’un sens est perçue simultanément par un autre sens. La définition de synesthésie selon le dictionnaire est la suivante : «La synesthésie (du grec syn, «avec» (union), et aesthesis, «sensation») est un phénomène neurologique par lequel deux ou plusieurs sens sont associés. » 2

Comme synesthète, j’ai une manière différente de percevoir la musique. Ce travail a donc pour but de me permettre de m’approcher davantage des spécificités de la relation entre les sons et les couleurs et, également, de mieux connaitre des artistes, peintres et musiciens, qui ont la même approche que moi.

Pour mener à bien ces recherches, je me baserai autant sur des écrits que sur des interviews, des enregistrements ou encore des partitions.

Ce travail s’articulera comme suit :

  • –  La première partie sera consacrée à une brève discussion sur la correspondance entre les sons et les couleurs.
  • –  La deuxième partie traversera rapidement la vie de musiciens et de peintres synesthètes tels que : 
    a) Olivier MESSIAEN et Alexandre SCRIABINE
    b) Vassily KANDINSKY

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Avant de débuter ces recherches, il me parait utile de préciser brièvement ce que l’on sait sur le son, en tant qu’onde sonore, et sur la façon dont il parvient à nos oreilles. De même pour les couleurs, en tant qu’ondes électromagnétiques, et sur la façon dont notre œil les perçoit.

Une onde sonore correspond à la propagation de perturbations mécaniques dans un milieu élastique. Ces perturbations sont perçues, entre autres, par l’oreille humaine qui les interprète comme des sons. Notre oreille, qui perçoit la couche d’air au voisinage d’une branche animée de vibrations, subit alternativement des compressions ou des dilatations. En effet, les molécules constitutives de l’air sont en moyenne plus proches les unes des autres, de sorte que la pression est plus grande que la pression atmosphérique. Quant aux couleurs que nous voyons, elles font partie d’une fonction de longueurs d’onde qui produit des réactions physiques et des stimuli visuels opérés par notre système perceptif. C’est à travers cette perception que nos yeux enregistrent les couleurs et les transmettent au cerveau, lequel décode les signaux émis.

Nous pouvons donc constater que les sons comme les couleurs ont le même mode de fonctionnement au moyen des ondes. Comme disait Haidar Riad (2014), la manière de décoder les couleurs se fait « à la façon des ondes sonores, mais à échelle intime de l’atome, ce sont les mouvements de vibrations cette fois des électrons constitutifs de la matière qui les engendrent. En effet un électron porte une charge électrique négative ; or toute charge électrique crée un champ électrique. En outre, une charge électrique en mouvements crée un champ magnétique. Ainsi, électricité et magnétisme sont intimement liés et constituent le socle du domaine de la physique appelé l’électromagnétisme »3.

Un point très pertinent de la relation qui unit ondes sonores et ondes électromagnétiques, ce sont les similitudes entre longueur d’ondes, fréquence, période, célérité, établies précédemment et qui s’appliquent de la même façon aux ondes lumineuses. Le premier à évoquer l’analogie entre la lumière et le son fut Leonard DE VINCI (1452-1519) (2008b. p.17) : « Les ondes des sons et de la lumière sont régies par les mêmes lois mécaniques que les ondes de l’eau ; l’angle d’incidence est égal à l’angle de réflexion. » C’est probablement la première fois que le terme « onde » est employé pour la lumière.4 Mais pourquoi cette relation entre ondes sonores et ondes lumineuses n’est-elle pas évidente pour la majorités des personnes ? L’une des raisons c’est simplement parce que la vitesse des ondes électromagnétiques est bien plus rapide que celle des ondes sonores. Selon Michel CHION (2004b p.24), « Dans l’air, l’onde sonore – qu’on peut appeler onde photogène – se propage à la vitesse approximative de 340 mètres par seconde qui est, comme on le voit, presque un million de fois plus lente que la lumière. »5 L’œil humain contient des récepteurs sensibles au seul domaine des longueurs d’onde comprise entre 0,4 et 0,7 micromètre ; elles correspondent aux longueurs de l’arc-en-ciel. Le signal transmis par l’œil au cerveau via le nerf optique est en effet interprété par des couleurs qui vont du violet au rouge sombre.

Les Longueurs d’onde visibles ne représentent qu’une infime partie des ondes électromagnétiques. Quelles sont ces ondes et où pouvons-nous les trouver dans notre vie ?

Les ondes non visibles font partie de notre quotidien, malgré le fait que nous ne les voyions pas. On les trouve dans les hôpitaux avec les rayon X, ou bien elles sont diffusées par les satellites. Toutefois, quand nous parlons des ondes émises par des micro-ondes, nous constatons qu’elles produisent des sons et, normalement, quand on les allume, nous pouvons entendre des sons entre La et Lab.

Par les ondes radio, nous pouvons déjà nous connecter avec des ondes sonores, même s’il y a un manque des précision. Comme disait Johannes, « L’essence originelle de la couleur est une résonance de rêve, une lumière devenue musique. » 6

Il est intéressant de noter que, malgré la correspondance entre les ondes sonores et les ondes électromagnétiques, les artistes peintres et musiciens ne réfléchissent pas souvent à leurs rapports.

Mais, comment établir une associations entre couleur musique à partir de ces réflexions ?

Dans l’univers musical, mais également pour les peintres, il existe des analogies sensorielles qui ont généré un vocabulaire relevant du même champ sémantique pour les sons musicaux et les couleurs : chromatisme, ton, tonalité, accords, nuances, gammes, etc. Ces termes peuvent aussi bien être appliqués dans le vocabulaire musical que dans celui des couleurs.

Le mot chromatisme (qui vient du grec chroma, « la couleur ») sert tant en musique (gamme chromatique) qu’en peinture (cercle chromatique). Un point intéressant qui fait un lien entre les chromatismes, c’est que la gamme chromatique en musique est constituée de douze notes, et le cercle chromatique en couleur, établi par le peintre Johannes ITTEN, comporte douze couleurs. Le cercle chromatique en peinture, c’est une représentation schématique circulaire des couleurs primaires, secondaires et éventuellement tertiaires ainsi que des autres variantes. La gamme chromatique en musique est celle qui ne contient que des demi-tons diatoniques et chromatiques.

Une concordance assez particulière s’établit aussi les accords de couleurs et les accords de musique. Selon la règle de leur fonctionnent, soit l’une soit l’autre utilisent la règle de la Dominante et de la Tonique.

Voici comment fonctionne un accord de couleurs : c’est le groupement de couleurs selon les lois de leurs rapports entre elles, pouvant se baser sur des compositions colorées. Pour réaliser cette harmonisation en couleurs selon MONTCAUD (1994, p.88)

1° On choisit d’abord l’accord de couleurs : c’est le rapport couleur

On définit ensuite la surface qu’occupera chaque couleur. La couleur DOMINANTE et la TONIQUE de l’accord. »7

De même, en musique, nous utilisons des accords avec des foncions déterminées par la tonalité avec la Tonique, la Dominante et la Sus-dominante, etc. « L’harmonie tonale considère l’accord comme une structure organisée à part entière, une unité synthétique, avec ses propres règles de disposition et d’enchaînement.»8 Wikipédia (2017)

« La vie des musiciens et peintres synesthètes »

Après avoir évoqué dans la section précédente la relation entre les couleurs et la musique, nous allons visiter les musiciens et les peintres qui font spontanément la correspondance entre sons et couleurs. Commençons par Olivier MESSIAEN.

Olivier MESSIAEN est né le 10 décembre 1908 à Avignon. Il commence à composer, en suivant son seul instinct, dès l’âge de sept ans. Puis, il entre au Conservatoire de Paris où il obtient les premiers prix d’accompagnement au piano, contrepoint et fugue, histoire de la musique, orgue et improvisation, et enfin premier prix de composition. Pendant dix ans, il enseigne à l’Ecole Normale de Musique et à la Schola. Déjà à ce moment-là, les élèvent de MESSIAEN écoutaient le dernier accord de cloches à travers des feuilles (Debussy-Images) et observaient un silence religieux et perplexe devant l’affirmation : « c’est du vieux rose »… En octobre 1931, il est nommé organiste du Grand Orgue de la Trinité ; en 1936, il fonde, avec André FOLIVET, Daniel LESUR et Yves BAUDRIER, le groupe Jeune France ; à partir d’avril 1941, il est professeur d’harmonie au Conservatoire de Paris. Pendant toute sa carrière de professeur de musique, les élèves de MESSIAEN ont pu entendre plusieurs fois des témoignages sur cette correspondance entre la musique et les couleurs.

Oliver est un véritable traité de composition basé sur des données nouvelles et encore peu exploitées mais qui, en rigueur logique, ne le cède en rien à l’ancienne théorie. L’analyse des constructions mélodiques, de modes à transpositions limitées, de la polymodalité, est exposée avec clarté, ouvrant au musicien des horizons nouveaux. Il avait une façon assez particulière de voir les rythmes et il était fasciné par des métriques irrégulières ; pour lui, les rythmes de la musique sont liés aux couleurs : « […] le rythme est issu du mouvement des flots, des ondulations des vagues de la mer, mélangés avec des couleurs. Il se rattache donc primitivement au mouvement, mais au mouvement répété avec des variantes toujours nouvelles ; c’est-à-dire à l’infini de la périodicité irrégulière, […] c’est la variation perpétuelle. »9 Messiaen (1996, p.49). 

Cependant, lorsque nous entendons des intervalles ou des harmonies classiques croisées ainsi par superposition de deux accords de septième diminuée, MESSIAEN, lui, voit des couleurs. De toutes ses découvertes, ce sixième sens appelé synesthésie est le plus mystérieux. Il décrivait la couleur des modes à transpositions limitées qui vont du violet (mode 2) au jaune orange (mode 3). Tout ça se passait très rapidement dans son cerveau, de manière très mobile et variée, à l’instant même où la musique se reproduisait.

 Olivier MESSIAEN l’explique ainsi : « […] la musique est souvent la liaison entre l’espace et le temps, entre le temps et la couleur, dialogue qui aboutit à une unification. Le temps est un espace, le son est une couleur, l’espace est un complexe de temps superposés, les complexes de sons existent simultanément, comme complexes des couleurs. […]»10 Une œuvre capitale intègre en son titre le mot couleur : Les Couleurs de la cité céleste (1983). Dans cette partition, le titre et la couleur se mêlent en une cristallisation instantanée : les accords-couleurs portent le nom des pierres précieuses de la Jérusalem céleste. Pour composer ses ouvrages, MESSIAEN dit : « J’essaie de traduire en musique des couleurs ; certains sons complexes et certaines sonorités sont liés pour moi à des complexes de couleurs et je les emploie en connaissance de cause.»11 VALEUR (2008. p.151) Pour MESSIAEN les sensations musicales sont non seulement auditives mais aussi visuelles et physiques. Il va chercher dans la nature les liens rythmiques et visuels pour produire ses œuvres.

Un peu plus tôt dans l’histoire, Alexandre SCRIABINE, pianiste et compositeur russe, avait lui aussi établi une relation assez particulière entre les sons et les couleurs. En raison de sa personnalité complexe et contradictoire, son œuvre est imprégnée de considérations philosophico-mystiques et d’un sentiment romantique exalté. Pour SCRIABINE, la musique est un moyen de libération, capable de transformer l’homme et l’univers. Il a révolutionné son époque avec sa théorie des couleurs. Pour SCRIABINE, « Quand il fermait les yeux et qu’il entendait un son, il voyait flotter des couleurs devant ses paupières closes, du rouge si c’était un Do, de l’orange si c’était un Sol. Et la vue d’un arc-en-ciel lui donnait l’impression de comprendre les mystères des célestes harmonies, comme si ces rayons s’émettaient en chantant. » 12 En 1909, il retourne en Russie, et continue à composer, tout en imaginant des projets grandioses alliant couleurs et musique. Il s’inspire des écrits du Père Louis- Bertrand CASTEL (1688-1757), inventeur d’un clavecin qui associait couleurs et sons. Il a crée un instrument qu’il a nommé « Le clavier à lumières » ou « Luce », spécialement pour l’exécution de son œuvre Prométhée ou le Poème du feu. En pratique, une seule version de cet instrument a été construite, pour l’interprétation de Prométhée à New York, en 1915. L’instrument devait être un clavier, chaque note correspondant à une couleur – selon le système synesthésique – indiquée dans la partition. La découverte des travaux d’Isaac NEWTON permit à SCRIABINE de mieux comprendre la relation des couleurs avec la musique. En effet, NEWTON fut le premier à comprendre que la lumière blanche est faite d’un mélange de rayons de lumière de couleurs différentes ; il découvrit que, lorsque de la lumière blanche passe d’un milieu transparent (comme l’air) à un autre (comme du verre), ses composantes sont déviées une première fois selon leur couleur, et lorsque celles-ci émergent dans l’air, elles sont de nouveau déviées, donnant ainsi naissance à un étalement de rayons lumineux allant du rouge au violet, comme les couleurs de l’arc-en-ciel.

C’est ainsi que SCRIABINE a établi, dans son traite d’optique, des correspondances précises entre les sept couleurs liées à l’arc-en-ciel et une série de notes qui seraient liées entre elles. Pour lui, chaque note correspond à une couleur précise. Voici les couleurs de sa gamme :

Do : rouge vif

Do# : violet

Ré : jaune

Ré# : chair

Mi : bleu

Fa : rouge sombre

Fa# : bleu clair

Sol : orange

Sol# : violet

La : vert

La# : lie de vin

Si : bleu nacré

Lorsque les notes sont ordonnées selon le cycle des quintes, l’ordre des couleurs forme un spectre.

SCRIABINE disait : « On peut percevoir le monde à la fois comme un système de correspondances, immobile à chaque instant donné, et comme un système se transformant inlassablement dans le temps et dès lors en mouvement en tous ses points. Dans la nature tout est lié en accord harmonieux, de sorte que toute force d’en haut se porte vers celle qui est en bas, distribuant ses rayons en une longue série ininterrompue […]13 VALEUR (2008, p.151)

Voici l’aspect que mentionnait Scriabine :

 

Dans un univers parallèle, nous avons des peintres qui utilisaient leurs expériences synesthétiques pour trouver l’inspiration de leurs tableaux. Vassily KANDINSKY était de ceux-là et sa création artistique était profondément liée à la relation entre la peinture et la musique. Depuis longtemps, il appréciait l’effacement de la réalité mis en avant dans l’art abstrait. Le père de l’abstraction, Vassily KANDINSKY, était un synesthète authentique. Il avait évidemment beaucoup d’imagination ; cependant, celle-ci n’était pas un produit d’irréalité. Comme peu avant lui, il cherchait à évoquer le son à travers la vision – le ton par la couleur. Ses peintures abstraites sont agréablement complexes et retentissantes. Selon James WARD : «Il est clair que cet homme voyait plus en couleur que l’homme ou la femme ordinaire. Pour lui, la couleur était plus qu’une qualité d’objet, plus qu’un adjectif. La couleur avait sa propre signification, sa propre profondeur, son propre but dans notre monde. Sa description de sa couleur préférée, le bleu, incluait «il appelle l’homme vers l’infini» – une référence spirituelle, sans doute, mais une perspective honnête. »14 James Ward (juillet 2012).

C’était un pionnier, un enseignant, un violoncelliste, un peintre – l’artiste par excellence. Ci- dessous est représentée sa composition VII, peinte à Munich, en Allemagne en 1913.

 

Né á Moscou, en Russie en 1866 KANDINSKY a grandi en garçon fasciné par les couleurs. Finalement, il a assimilé le processus de peinture à celui d’un orchestre, à une composition musicale. Il a écrit : « La couleur est le clavier, les yeux sont les harmonies, l’âme est le piano avec beaucoup de cordes. L’artiste est la main qui joue, touchant une touche et une autre, pour provoquer des vibrations dans l’âme. » 15

KANDINSKY croyait aussi à la spiritualité des œuvres d’art. C’est ce qu’il écrirait longuement dans Concerning the Spiritual in Art (1910). Alors que les sceptiques ont longtemps débattu de la légitimité de la synesthésie de KANDINSKY (tout comme la simple existence de la synesthésie a été l’objet de débats), elle semble avoir joué un rôle indéniable et intégral dans sa vie et son œuvre. Il a décrit ainsi sa découverte du phénomène – quelque chose qui s’est produit lors d’une représentation d’opéra à Moscou : « J’ai vu toutes mes couleurs en esprit, sous mes yeux. Des lignes sauvages, presque folles, ont été esquissées devant moi. »16

Actuellement, nous avons déjà un réveil considérable de l’importance de cette pratique. Ces deux univers « sons et couleurs » ont un point commun : ils contribuent tous deux à la perception du monde qui nous entoure. Mais est-ce que le lien entre les couleurs et la musique peut faciliter l’apprentissage de cette dernière ? Malgré leur nature très différente, c’est un terrain très fertile qui nous propose de nouveaux concepts de perceptions entre l’art et musique. A travers une analyse de cette approche, essayons de mettre en évidence ses aspects positifs ou négatifs.

Pour Edgar WILLIAMS, il existe un danger de supposer qu’on puisse parler d’un art unique. Pour lui, un grand nombre de professeurs de musique ignorent que l’association sons-couleurs est de nature subjective et que ce qui sera valable pour une personne ne le sera pas pour une autre. « L’idéal est beau et théoriquement réalisable, puisque les enfants ont en eux toutes les possibilités de pratiquer, ne fût-ce qu’au degré élémentaire, tous les arts. Le grand danger, l’erreur dirons-nous, est de supposerqu’on puisse parler d’un art unique. La vie est une, mais les arts s’adressent à des sens différents, d’où certaines irréductibilités qui rendent l’unité impossible. » (Williams, 1975, p.43) Pourtant, il fait quand même un lien entre le son et la couleurs, reconnaissant que, tout en s’adressant à des organes différents, l’ouïe et la vue se rejoignent dans des activités humaines semblables, ce qui nous permet d’établir un parallèle entre les deux.

Déjà à son époque, Williams évoquait les moyens audio-visuels dans l’éducation ; mais, pour lui, c’est une domaine délicat et périlleux pour la musique car, lorsque l’audition et la vision sont mises à contribution, la vision prend 80% de l’influence sur l’apprentissage et ne laisse que 20% à l’écoute. Mais WILLIAMS reconnaît que ce parallèle donne lieu à d’innombrables considérations, en particulier en ce qui concerne les personnes synesthètes. La synesthésie nous permet d’avoir une nouvelle approche sur les liens entre la musique et la couleur. Selon JUSTINE, « La synesthésie, c’est une manière différente d’apercevoir le monde qui sollicite divers sens. »17 Ainsi, une personne synesthète est capable de faire spontanément l’association entre musique et couleur. Mais la question se pose pour les personnes que n’ont pas cette associations de manière naturelle. Malgré le manque de réponse, l’audition colorée a ouvert des nouvelles recherches pour comprendre cette relation entre musique et couleurs. Et Théodore FLOURNOY, professeur à l’Université de Genève, et Édouard CLAPAREDE, professeur au Collège secondaire, se sont penchés sur d’innombrables questions. Théodore FLOURNOY est un esprit ouvert et curieux, attiré depuis toujours par ce qui sort de l’ordinaire.

« Il avait un incessant besoin d’ouvrir les fenêtres pour voir si rien de scandaleux n’apparaissait peut– être, enfin, à l’horizon » 18 confirme le philosophe et théologien vaudois Philippe BRIDEL, en 1921. A cette époque, ils ont fait plusieurs expérimentations pédagogiques avec des élèves ordinaires et ils ont constaté que la couleur pouvait être associée :

 

  1. aux notes de la gamme
  2. aux altérations (dièse -> rouge, bémol -> bleu)
  3. aux œuvres : marche militaire -> rouge, symphonie pastorale -> vert
  4. aux compositeurs : Bach -> bleu foncé, Beethoven -> jaune orange, Mozart -> blanc
  5. aux instruments : flute -> bleu, hautbois -> vert , trompette -> rouge
  6. à la musique en général, aux cris, aux bruits, à la voix humaine

En ce qui concerne la gamme, plusieurs rapports ont été proposés.

JAQUES-DALCROZE dit ceci : « Les professeurs Floumoy et Claparède se sont occupés á plusieurs reprises de l’audition colorée, et sont d’avis que cette expérience est tout à fait individuelle.»19 (Dalcroze, 1945 p.106 )

Mais cette nouvelle approche pourrait-elle avoir des conséquences positives sur la pédagogie de l’enseignement musical pour les enfants ?

L’utilisation des couleurs, pour une prise de conscience mélodique stimulée par l’œil, est un générateur de l’émotions. Toutes les activités qui sont stimulées par la couleur vont aboutir à une manifestation visible de la conscience mélodique. L’expression mélodique, basée sur la sensation du phrasé associée à l’outil de la connaissance de notes en couleur, ouvre d’infinis possibilités d’utilisation comme mécanismes pour faciliter l’apprentissage.

Pour mieux comprendre l’importance de cette approche, prenons en considération que le premier sens à se développer, avant même la naissance, c’est l’ouïe entre le 5ème et le 8ème mois de grossesse : le fœtus perçoit déjà les sons et possède la capacité de les enregistrer. La musique est donc un pilier de développement essentiel qui permet au bébé de s’éveiller. « L’ouïe est l’un des sens les plus aiguisés lorsque l’enfant vient au monde. Le fœtus perçoit déjà les sons et possède la capacité de les enregistrer. La musique est donc un pilier de développement essentiel qui permet au bébé de s’éveiller.» 20 Bebetou (2016).

Ensuite, dès 3 mois, les enfants peuvent percevoir les couleurs très vives et attirantes.

Les couleurs aident à la compréhension et la rétention de la mémoire quand elles sont utilisées de manière efficace. Dans cette nouvelle façon de comprendre la musique, chaque note musicale représente une couleur différente ; une fois que les enfants comprennent cette relation avec une couleur spécifique, nous pouvons faire innombrables exercices ; c’est en fait un outil pour faciliter l’apprentissage à travers les stimulations du regard. La couleur influence notre façon de voir et de traiter l’information. Elle améliore notre capacité à nous souvenir des mots et des images et elle est considérée comme un facteur vital dans la rétention de la mémoire. Vous pouvez utiliser une couleur différente pour mettre en valeur chaque sujet, identifier des accords en couleurs spécifiques, les gammes en couleurs, les intervalles en couleurs. De cette façon, lorsque nous donnons un cours musical avec les notes en couleur, nous pouvons demander aux enfants de fermer les yeux et d’imaginer les couleurs qui font partie de l’accord ou même de la gamme pour les aider à se rappeler plus facilement de l’information. Une image mentale est beaucoup plus facile à garder en mémoire que son équivalent auditif ou textuel. Comme dit le philosophe CONFUCIUS : « Une image vaut mille mots 21. » Un enfant est émerveillé par le monde, tout pour lui est nouveau et magique. C’est pour cela qu’il est important de voir le monde de la même manière qu’eux et de proposer des activités que puissent les amener à se connecter plus intégralement avec l’apprentissage.

 

 

Quels seraient alors les principes de base d’une méthodologie de déduction musicale qui associe les sons aux couleurs ?

 

Une fois qu’on connait l’importance de la couleur et de la musique pour un enfant, on peut développer des activités pour faire cette connexion entre l’oreille et les yeux et, de cette manière, nous pouvons stimuler les hémisphères gauche et droit du cerveau. Les connexions logiques, soit les lignes et les mots, sollicitent le côté logique du cerveau (le gauche), tandis que les couleurs, les images et les courbes fluides sollicitent le côté « pictural/visuel » du cerveau (le droit). Lorsque vous stimulez simultanément les deux hémisphères, vous améliorez et accélérez significativement la compréhension et la rétention de l’information. De plus, du point de vue cérébral, la musique est une activité complexe et l’union des arts déclenche les mécanismes de l’émotion de manière très intense. Selon WILLIAMS, « il existe des liens très étroits entre l’art-musique et la psychologie car, comme le dit le grand psychologue Jung: «L’art est une activité psychologique, ou une activité issue de motifs psychologiques ». Il est donc très naturel d’envisager la musique sous un angle psychologique, c’est-á- dire étudier les liens qui unissent la musique et l’art, en accord avec les éléments essentiels à la nature humaine.22 (Edgar Williams, L’Education musicale Nouvelle, p.15)

D’un point de vue psychologique, l’enfant est ouvert aux nouvelles découvertes de manière très éveillée, d’où l’importance de percevoir le monde à sa manière. De plus, une activité proposée en couleurs a le pouvoir de captiver un esprit intéressé et intrigué lors de l’apprentissage. Voici certains des avantages à long terme de cette nouvelle approche pédagogique dont peut bénéficier l’apprentissage :

Bénéfices et avantages :

  • Améliorer la capacité d’avoir une vue d’ensemble
  • Clarifier la pensée
  • Améliorer la capacité de voir et de faire l’association musique et couleurs
  • Améliorer la capacité à se souvenir de la complexité des informations
  • Améliorer la rétention de la mémoire
  • Améliorer le niveau de concentration.

L’association des couleurs avec les notes permet la matérialisation du son pour aboutir á comprendre la musique. Mais comment réaliser les exercices ? A travers l’utilisations de matériels en couleur : cerceaux, petits sacs, balles. Une fois que les enfants ont compris l’association notes-couleurs, nous avons des milliers de possibilités pour leur apprendre la musiques. Voici un exemple d’activité : des couleurs sont tracées par terre et les enfants doivent marcher, avec le bon tempo, dans la note correspondante de la gamme.

Si nous nous basons sur le tableau de WILLIAMS cité ci-dessus, nous pouvons développer d’innombrables activés.

Exemple d’activité : L’enfant peut marcher dans le tempo de la noire sur la couleur que représente la note.

Si nous considérons la partition actuelle en noir et blanc, il extrêmement difficile pour un enfant de la comprendre. Il est très important de se rappeler que « L’écriture musicale, telle qu’on la connaît aujourd’hui, est apparue en réponse aux exigences nouvelles suscitées par l’avènement de la polyphonie dès le 10e siècle. La composition, puis la mise en place orchestrale des diverses parties, nécessita un système de représentation à même de gérer globalement les hauteurs et les durées. A l’origine, cette notation, dite diastématique, est une conséquence de la pensée pédagogique. » (Pierre Zurcher, 2010, p.131).

Mais, depuis le 10e siècle, n’avons-nous pas de nouveaux besoins en matière d’apprentissage ?

Une partition en noir et blanc nous transmet un code mais, sans la sensation corporelle et musicale, nous sommes limités, en particulier les enfants. Selon Pierre ZURCHER, « Dans pratiquement toutes les cultures, la transmission musicale repose pour une part sur la médiation visuelle. Elle va intervenir de deux manière : la représentations des gestes à exécuter sur l’instrument et la représentations de la musique elle-même. » (Pierre Zurcher, 2010, p.132). Mais de combien de temps avons-nous besoin pour décoder une partition et l’exprimer librement ? Ça dépend, bien sûr, de chaque personne mais cette partition qu’on connaît depuis si longtemps ne veut rien dire pour un enfants de 4 ans. La proposition, c’est une musique pour l’œil, ce qui veut dire stimuler les enfants à voir la même chose qu’ils écoutent ; si on a une note de longue durée, ils peuvent la voir une couleur de grande taille, pas nécessairement sur une partition mais partout. JAQUES-DALCROZE a dit ceci : « Je crois cependant que si l’on créait une éducation spéciale de l’oreille dans une classe d’enfants et si l’on associait les couleurs à l’auditions des notes de la gamme l’on parviendrait au bout d’un certain temps à établir des relations entre des sons définis et des colorations définies. »23 (Dalcroze, 1945, p.106).

Une questions se pose alors : L’utilisation des couleurs peut–elle changer l’interprétation de la musique ? Pour répondre cette question, nous nous inspirerons d’Émile JAQUES-DALCROZE qui a révolutionné son époque avec une méthode qui proposait le corps comme support pour faciliter l’apprentissage. Voici le cœur de ce que sera la rythmique, « ce sens musculaire doit pouvoir être saisi par l’intellect. Il doit y avoir prise de conscience du rythme. »24 (Dalcroze, 1965, p.318). DALCROZE parle du sens musculaire, qu’il considère comme un sixième sens. De la même manière, nous proposons une nouvelle approche basée sur la musique de l’œil, sens de la vue lié à l’oreille interne.

Pour conclure cette réflexion, je peux dire que, sur les plans social et artistique, la musique et l’art sont des outils de la créativité, d’expression et de communication, quelles que soient la langue et la culture. L’existence d’une correspondance entre les sons musicaux et les couleurs est une question que beaucoup de scientifiques, d’artistes peintres et de musiciens se sont posée depuis bien longtemps.

Cette recherche nous invite à réaliser l’importance de l’approche musicale associée aux couleurs comme un moyen d’approfondir et de faciliter l’apprentissage, et les effets positifs de cette pratique dans le développement humain de manière intégrale me paraissent l’emporter largement sur les effets supposés négatifs. Par cette approche musicale, qui consiste à amener l’enfant vers une écoute colorée à travers la manipulation de petits instruments en couleurs liés à la note de musique, l’enfant découvre les joies de ses premières interprétations. Par l’utilisations d’une musique colorée, nous pouvons sensibiliser l’enfant aux sons, aux rythmes et au phrasé musical.

Il faut reconnaître que cette connexion entre sons et couleurs, qui a inspiré et qui inspire encore des musiciens, des peintres pour créer des œuvres artistiques originales et riches en symboles, demeure un mystère. Comme l’écrivait VALEUR, « Fasciné par le rythme de la lumière et ébloui par la couleur des sons, l’homme poursuit son aventure en quête absolu. »25 (2008, p.155).

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